13 mars 1815: Napoléon déclare « Lyonnais, je vous aime »

Alors qu’il est condamné à l’exil sur l’Ile d’Elbe, Napoléon débarque à Vallauris (Alpes-Maritimes) le 1er mars 1815. Cette « invasion du pays par un seul homme » marque le début de la période dite des Cent-Jours.

En route pour Paris, le « Vol de l’Aigle » l’amène à entrer triomphalement à Lyon le 10 mars, accompagné de 8.000 hommes et 30 canons. Le lendemain, il pousse la provocation jusqu’à passer ses troupes en revue sur la Place Bellecour.

L'empereur Napoléon Ier

L’empereur Napoléon Ier

Le 12 mars, il déclare: « Il ne doit plus y avoir d’autre autorité que la mienne ; il faut qu’on sache, dès à présent, que c’est à moi seul qu’on doit obéir. » Il publie alors les « Décrets de Lyon » dont voici quelques extraits sans concessions:

  • La Chambre des Pairs est dissoute.
  • La noblesse est abolie, et les lois de l’Assemblée constituante seront mises en vigueur.
  • Les titres féodaux seront supprimés.
  • Les lois de nos assemblées seront mises en vigueur.
  • Tous les généraux et officiers de terre et de mer […], qui ont été introduits dans nos armées depuis le 1er avril 1814, cesseront sur-le-champ leurs fonctions.
  • Tous les changements arbitraires opérés dans nos cours et tribunaux inférieurs sont nuls et non avenus.

En repartant le 13 mars pour Villefranche, il fait publier l’affiche suivante (l’orthographe est d’origine):

« Lyonnais,

Au moment de quitter votre Ville pour me rendre dans ma Capitale, j’éprouve le besoin de vous faire connaître les sentimens que vous m’avez inspirés. Vous avez toujours été au premier rang dans mes affections. Sur le Trône, ou dans l’exil, vous m’avez toujours montré les mêmes sentimens. Ce caractère élevé, qui vous distingue spécialement, vous a mérité toute mon estime. Dans des momens plus tranquilles, je reviendrai pour m’occuper de vos besoins, et de la prospérité de vos Manufactures et de votre Ville.

Lyonnais, je vous aime. »

L’original est disponible ici [Source: Archives Municipales de Lyon].

Cette puissante affection réciproque remonte à quelques années déjà. En 1793, peu après la Révolution, Lyon s’était révoltée contre la Convention nationale qui mettait à mal le commerce de la soie avec les royaumes européens. Les représailles ont été sanglantes et, lors de sa prise de pouvoir, Napoléon a été accueilli en libérateur. D’ailleurs, en 1800, une médaille est frappée pour célébrer « Bonaparte réédificateur de Lyon » [Voir].

Anecdotes:

  • Trois mois plus tard, le 18 juin 1815 exactement, la Bataille de Waterloo mettra fin aux Cent-Jours. Napoléon sera exilé sur l’Ile Sainte-Hélène où il décédera en 1821. Il ne reviendra plus jamais à Lyon.
  • Le comte Jean-Joseph Mallet de Fargues, alors maire de Lyon, n’aurait pas à rougir devant nos politiciens actuels. En effet, en 4 jours, il opère un superbe retournement de veste. Comparez avec amusement l’affiche du 7 mars 1815 et celle du 11 mars 1815 [Source: Archives Municipales de Lyon]. Il sera malgré tout démis de ses fonctions le 30 avril suivant. Redevenu maire le 17 juillet (il nous offre alors une nouvelle affiche digne des précédentes), il n’aura de cesse de réprimer les bonapartistes, jusqu’à son décès en fonction le 23 avril 1818. Une rue porte son nom dans le premier arrondissement, à proximité de la Place Sathonay. [Vue satellite]
  • Certains aiment à penser que Napoléon voulait faire de Lyon sa capitale. Ce qui est certain, c’est qu’en 1804 il lance l’idée de palais impériaux dans plusieurs villes, dont Lyon. Les terrains proches de Perrache sont achetés en 1806 et les travaux débutent fin 1810. Ils seront interrompus par la chute de l’Empire. Voir le plan de localisation du palais et du tombeau (1807).

Laurent Ajdnik

 

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17 réponses à 13 mars 1815: Napoléon déclare « Lyonnais, je vous aime »

  1. Jean-Thibault MARECHAL dit :

    Bravo et merci Laurent pour cette petite page de la grande histoire. Je veux simplement apporter une petite précision à ton texte:
    En route pour Paris, le « Vol de l’Aigle » l’amène à entrer triomphalement à Lyon le 10 mars, accompagné de 8.000 hommes et 30 canons. Le lendemain, il pousse la provocation jusqu’à passer ses troupes en revue sur la Place Bellecour. En tant qu’empereur, il avait déjà séjourné dans la ville en 1799, 1800, 1802 et 1805.

    En fait, Bonaparte ne devient l’empereur Napoléon qu’à son couronnement le 2 décembre 1804, par contre il occupe les fonctions de premier consul en novembre 1799, puis se fait nommer consul à vie en août 1802. Il est vrai que la vie de Napoléon fut courte, mais très riche en rebondissements.
    je vous demande pardon de vous avoir éloigné du sujet principal qui nous occupe l’histoire de Lyon et des lyonnais, mais vous l’aurez compris j’ai un faible pour Napoléon et quelque part le roman qu’il a su faire de sa vie.

  2. Laurent Ajdnik dit :

    Bien vu, JT! Merci beaucoup pour cette précision !
    D’ailleurs, après sa nomination comme premier lieutenant au 4ème Régiment d’Artillerie de Valence le 1er juin 1791, il a certainement fait quelques séjours sur Lyon. Il paraît même qu’il y retrouvait régulièrement une maîtresse (merci JPH pour l’anecdote).
    Afin de ne pas alourdir l’article, je vais opter pour la solution de facilité: retirer purement et simplement la phrase incriminée ;c)
    A très bientôt,
    Laurent

  3. Pierre R. dit :

    Ah Napoléon….
    à chaque fois qu’on parle de lui dans un article je lis l’affaire avec attention, alors si en plus c’est Laurent qui écrit… j’en parle même pas!

    Merci pour ce retour intéressant sur l’explication de cette petit phrase que les lyonnais aiment tant.

  4. Roche Jean - Pierre dit :

    Bonjour,
    Pour s’amuser il faut trouver quel empereur à dit : « Lyonnais aimez moi ». Et surtout les changements pour Lyon, qu’aurait entrainé ce désamour.

    Bonne journée et encore merci pour le plaisir de lire toutes ces anecdotes.

    J.Pierre:.

  5. Michèle J. dit :

    Je voulais rajouter que Napoléon, en remontant sur Paris, est passé par le col des Echarmeaux, où une statue rappelle son passage
    bisesss Michèle

  6. Yohan dit :

    Moi aussi je vous aime :))

  7. WIECZOREK Sébastien dit :

    C’est l’épopée des cent jours qui se termine à Waterloo
    merci Laurent pour cette nouvelle page d’histoire palpitante et passionnante

  8. arnaud dit :

    Bonjour a tous,
    En passant je voulais préciser que contrairement a ce qui a été dit Napoléon n est pas passé par le col des écharmeaux en remontant sur Paris. Il n y est d ailleurs sans doute jamais passé. La statue est simplement un hommage exécuté par un sabotier qui était un grand admirateur de l Empereur!

    Il a pris en fait la direction de Villefrance puis il s est dirigé sur Macon en suivant le tracé de la RN6 actuelle.

    Bien à vous!

  9. JM dit :

    Bonjour,

    J’ai créé une page FB intitulé « Lyon, Napoléon, passion – Que de rimes ». Je vais essayer de l’enrichir le plus régulièrement possible. Elle est ici : https://www.facebook.com/LyonNapoleonPassionQueDeBellesRimes
    N’hésitez pas à en faire la promotion vous aussi.

  10. Pellenc dit :

    Toujours quel plaisir de vivre l’histoire comme elle s’est passée

  11. Arnaud dit :

    Je tenais juste à préciser, pour rectifier une erreur fréquente, et reprise par Michèle J. plus haut, que Napoléon n’est jamais passé par le Col des Echarmeaux. La statue n’a rien à voir avec un quelconque passage. Il est effectivement passé dans le Rhône, par le Col du Pin-Bouchain et Tarare, mais pas par les Echarmeaux.

  12. Bruno Roux dit :

    Lyon est un grand mystère qui ne manque pas de charmer ceux qui s’en approche et tomber amoureux de cette cité n’est pas le fait d’un charme anodin, mais bien d’une grandeur qui se construit depuis Atépomoros et Mamoros… L’Empereur ne pouvait pas échapper à l’amour d’un peuple de braves.

  13. Yannick Poirier dit :

    … et pour qu’il y ait une « Association des Bretons de Lyon », il ne faut Vraiment pas que Notre Ville ne soit pas aussi « enfermée sur elle-même » qu’on veut bien le dire, en France et en Navarre comme on dit !!! …

    Encore Merci à Laurent Ajdnik pour ses inépuisables ressources documentaires, mais j’ai moi aussi une observation à faire de son propos, à propos de ses anecdotes :
    « Trois mois plus tard, le 18 juin 1815 exactement, la Bataille de Waterloo mettra fin aux Cent-Jours …
    Je ne vois pas, avant cela, ce à quoi correspondent ces « Trois mois plus tard » !!! … donc en mars 1815 ??? … mis à part la « Retournée de veste » du Maire Mallet de Fargues, qui vient après cette autre anecdote, je ne vois pas quoi !!! …

    A propos, ce que vous semblez appeler de vous-même des « Retournements de veste », l’on appelle cela, à Lyon, le « Modérantisme Lyonnais », où l’Intérêt Général est l’Intérêt Supérieur qui réside à Lyon, au-dessus des divergences politiques ! …
    Cela veut dire que la tendance politique à Lyon a Toujours été, l’est Toujours et le sera Toujours, « Centriste », ce qui n’avait pas sa place pendant la période de la Révolution, entre Républicains et Monarchistes !!! …
    En effet, même les « Jacobins » traitaient les « Girondins » de « Monarchistes » … C’est dire !!! …
    C’est ce qu’explique Edouard Herriot au Lyonnais dans son ouvrage (en 4 volumes) « Lyon n’est plus » !!! …

    Bien Cordialement (et donc avec « Modérantisme » !!! … sourire), Yannick.

  14. Yannick Poirier dit :

    P. S. je suis Breton ! … (Clin d’œil)

  15. Laurent Ajdnik dit :

    Bonjour Yannick et merci pour votre enthousiasme et vos compléments d’informations !

    « Trois mois plus tard » (18 juin 1815) par rapport à l’événement relaté dans cet article (13 mars 1815), tout simplement.

  16. Yannick Poirier dit :

    C’est un Plaisir cher Laurent !!! … C’est bien ce que je pensais, mais comme l’anecdote « Trois mois plus tard » précédait celle du « retournement de veste » ! … (clin d’œil)

  17. Yannick Poirier dit :

    … Cela dit, entre ce que dit Napoléon 1er (Paris … MA CAPITALE !!! …) et l’interprétation de Lyonnais sur sa volonté de faire de Lyon sa Capitale en aménageant la nouvelle (à l’époque) Confluence, je n’hésiterai pas sur qui croire ! …

    Pour bien me faire comprendre par Tous, je ne dis pas que Lyon n’a jamais fait l’objet de tentatives de changement de Capitale – on m’a dit à 6 reprises, reste à savoir lesquelles ! … – ou de tentations de certains à le croire (sourire), mais, sérieusement, quand un doute subsiste en matière d’Histoire (surtout de l’Histoire de France !!! …), il faut savoir « Raison Garder », et s’en tenir aux « versions officielles » !!!

    Bien Cordialement, Yannick.

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